Internet et les réseaux de prostitution
De nouveau, Cristal pianota sur le clavier pour visionner d’autres pages sur le site de La Lune Noire. À la place des incitations à la débauche virtuelle, l’écran affichait cette fois une prose abondante. À l’aide de la souris, la jeune femme surligna un paragraphe :
« Je pleurais des larmes d'amour alors que, avec des objets effilés,
je sacrifiai ce qui était pour moi la plus grande des joies : mon frère ».*
Le meurtre d’Abel n’était plus un acte barbare, mais l’expression naïve de celui qui, en voulant honorer Dieu, offrit sur l’autel son jeune frère, comme ce qu’il avait de plus cher au monde. L’explication du sacrifice humain dégoûta profondément Albert, qui ne put s’empêcher de citer à mi-voix le verset qui témoignait de la réaction divine :
« Et maintenant, tu es maudit, banni du sol qui a ouvert la bouche pour recevoir le sang de ton frère »…**
Cristal sursauta en remarquant l’érudition de son ami :
- « Ah ! Tu connais ?
- Albert : — Ce sont des souvenirs du catéchisme ; rien de plus…
- Cristal : — Alors le reste ne devrait pas t’étonner…
- Albert : — Je suppose que si ! Cette interprétation de l’Ancien Testament est très éloignée de l’exégèse à laquelle j’ai été formé.
- Cristal : — Hum, tu parais en savoir plus long que tu ne laisses l’entendre…
- Albert : — Vraiment, tu te fais des idées ! D’ailleurs, je ne saisis toujours pas le rapport avec La Lune Noire…
- Cristal : — C’est Lillith, justement ! La première femme d’Adam, si l’on en croit les kabbalistes ; celle qui se révolta contre le Très-Haut, et qui obtint la liberté dans les ténèbres *… Elle est la femme damnée, la première des sorcières… Elle représente le mystère de la vie, et prend en charge les maux de l’élément féminin. Elle se révèle en nous, dit-on, au moment de la menstruation. Parce qu’elle hante l’espace nocturne, on la compare aussi à Hécate. C’est le côté obscur de la femme…
- Albert : — Je comprends maintenant de quelle manière Dawed a pu se servir des textes sacrés en les détournant à son profit.
- Cristal : — Oui. Cet amalgame lui permet de justifier absolument tous ses caprices les plus frelatés. Lis encore :
- « Et alors Lillith, Lillith aux yeux clairs, m’éveilla.
- Elle se coupa avec un couteau, et versa de son sang dans un bol.
- Je bus avidement. C’était doux ».*
- Albert : — Incroyable !
- Cristal : — Mais pourtant vrai ! La Chronique de Caïn fait l’apologie du vampirisme ; on pourrait imaginer pire encore, mais l’horreur qu’inspire cette éventualité couvrirait forcément des actes d’une barbarie inimaginable d’un voile de silence.